
Aux jardins de la Montagne-Verte, on s’adapte
avril 3, 2020S’adapter et rester mobilisés : tels sont les maîtres-mots ces jours-ci aux jardins de la Montagne-Verte, qui produisent depuis 2001 à Strasbourg des légumes bio au travers d’une entreprise d’insertion. A en croire la directrice, Fatima Riahi, cela fonctionne plutôt bien…
Parce que « manger local et de qualité » prend en ces temps de confinement tout son sens – et une tout autre envergure -, les Jardins de la Montagne-Verte n’ont cessé ni de produire, ni de vendre depuis que nos allées et venues sont limitées au strict nécessaire pour cause de pandémie. Au 5, avenue du Cimetière à Strasbourg, le magasin de vente directe qui propose légumes bio, conserves et produits d’épicerie maison tourne à plein. Il est ouvert du lundi au vendredi de 10 h à 17 h 30 et le samedi de 8 h 30 à 12 h. « Nous avons simplement adapté notre fonctionnement », note Fatima Riahi, la directrice de la structure, qui compte 52 salariés, dont 44 en contrat d’insertion.
La mise en place d’un drive Respect des nouvelles « distances de sécurité » entre individus oblige, l’attente peut être un peu plus longue, d’autant que l’affluence est en (nette) hausse. Car si l’on produit ici des légumes bio en maraîchage urbain depuis… 2001, « pas mal de gens viennent de découvrir notre existence ! » note Fatima Riahi. D’un point de vue pratique, les clients entrent à tour de rôle et ne peuvent pas être plus de deux à la fois dans le magasin ; des gants jetables leur sont fournis le temps de leurs achats, le sans contact est privilégié et les outils de paiement, comme les locaux, sont désinfectés très régulièrement. Un système de drive, « qui fonctionne très bien », a également été mis en place et permet de préparer sa commande depuis chez soi. Des paniers sont aussi disponibles et certains produits peuvent même être livrés à domicile, via Marmelade Alsace.
Côté salariés – 80 % sont toujours en poste -, « il a d’abord fallu beaucoup rassurer et expliquer comment les choses allaient se passer. Notamment pour les autorisations de sortie, dont nous nous sommes procuré des versions en russe, en turc, en roumain…
Depuis le début de la crise, notre groupement fonctionne aussi à plein. On a mutualisé les fonctions support et eu énormément d’échanges par téléphone, SMS ou mail », salue Fatima Riahi, qui s’amuse de la vitesse à laquelle tous, aussi, se sont mis au numérique. « Avant, il aurait fallu écrire deux ou trois projets et faire 36 réunions pour organiser le changement. Là, tout le monde joue le jeu et personne ne rechigne à s’adapter ! On utilise Skype ou Zoom… comme une évidence ! C’est la preuve que quand on est poussé par quelque chose d’externe, on a une équipe super souple et plastique, y compris du côté des salariés en insertion, et alors même qu’il n’y a plus aucune routine. Tous les jours, on renverse la table ! »
Certains – notamment au standard – sont passés au télétravail; pour d’autres, une « entrée séquencée » et des horaires décalés ont été mis en place afin de limiter les contacts. « Tous ont accepté ce nouveau fonctionnement, comme une évidence là encore. Comme si toucher de près à ce qui est vital faisait qu’on se découvrait une capacité d’adaptation incroyable, et que travailler à distance nous permettait d’être plus proches encore. […] Nos équipes sont très mobilisées et conscientes que nous répondons à un besoin essentiel : nourrir sainement et en proximité la population », souligne aussi celle qui y voit une motivation – et un motif de fierté – supplémentaire. « Les salariés en insertion disent aussi que la France est un grand pays et qu’on ne peut pas le mettre à genoux comme ça… À leur niveau, ils se sentent investis d’une mission. » Pour l’activité aussi, la crise sanitaire a (et aura) des conséquences.
Face à l’accroissement subit de la demande, les bras peinent à suivre. « Tout le monde est prêt à travailler dans les champs, mais le fait que nous devions répondre à une demande massive fait que nous n’avons pas assez de main-d’œuvre pour la mise en place des cultures. Actuellement, nous vendons surtout des légumes de garde et quelques légumes feuilles semés en janvier, mais les restrictions de circulation ont des incidences sur les semis. Ils ne sont pas du tout à la hauteur de ce que nous faisons habituellement. » D’autant que les terrains, qui s’étendent sur sept hectares, sont dispatchés sur six sites « et qu’actuellement, on ne peut pas avoir plus de deux personnes par véhicule, même dans une camionnette, ce qui forcément pose des tas de problèmes logistiques », explique Fatima Riahi, inquiète, dit-elle, « pour la reprise, en septembre ».
Côté verre à moitié plein, « dans nos équipes, cette crise a renforcé l’envie du collectif : on est là, debout, ensemble ; on est debout parce qu’on est tous ensemble, et pour les gens qui comptent sur nous ! Ces valeurs, qui sont celles de l’économie sociale et solidaire, prennent aujourd’hui tout leur sens… »
Valérie WALCH – Les Dernières Nouvelles d’Alsace – 03 avril 2020